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Témoignage #PLAY25 (16) - Ruhollah Qurbani

Lundi 18 novembre 2024

 

Ruhollah Qurbani

 

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Ruhollah, je suis marié et j'ai trois enfants (2 filles et 1 garçon, ma fille aînée a 21 ans, mon fils a 13 ans et ma petite fille a 11 ans). Je suis représentant officiel de la Fédération JKS (Japan Karate Shotokan) en Afghanistan. Depuis que les talibans ont pris le contrôle de l'Afghanistan, mon Dojo de Karaté est fermé pour plusieurs raisons :

1- Je suis celui qui a travaillé avec des agences internationales et des ONG pendant plus de 18 ans, ce qui est un péché du point de vue des talibans.

2- Près de 50% de mes élèves de karaté étaient des femmes.

3- J'enseignais le karaté et le fitness à des expatriés (hommes et femmes) de différents pays dans une maison d'hôtes.

4- Je fais partie d'une minorité religieuse.

5- En raison du manque d'opportunités professionnelles, les gens ne disposent pas d'un budget suffisant pour payer les frais de karaté. Il y a beaucoup d'autres raisons qu'il n'est pas opportun d'expliquer ici.

Je suis maître de karaté et j'ai exercé diverses fonctions. La plupart du temps, j'ai travaillé sur l'évaluation de projets. Ma compétence est le suivi et l'évaluation. J'ai signé mon dernier contrat le 14 juillet 2021 avec l'USAID/OSC (Overseas Strategic Consulting), une ONG américaine qui opère en Afghanistan. Mais le travail n'a pas eu lieu en raison de l'insécurité qui régnait à l'époque. Je suis toujours au chômage et je n'ai pas d'emploi. Pendant tout ce temps, nous vivons des jours très difficiles. Financièrement, nous sommes vraiment en difficulté. Je remercie PLAY International pour l'aide qu'elle m'a apporté en 2023.

En outre, je tiens à remercier mon ami bien-aimé, M. Oliver Barret (ancien salarié de SSF en Afghanitan), le seul qui se soucie toujours de moi et de ma famille.

 

De 2007 à 2010, vous avez travaillé pour Sport Sans Frontières, quelles étaient vos missions ?

Au début, je travaillais pour SSF en tant que traducteur. Très vite, je me suis amélioré et j'ai eu la possibilité d'occuper des postes plus élevés. À cette époque, Mlle Kristal Dorwal, cheffe de mission pour SSF, m'a dit que j'étais un atout pour SSF car je gérais plusieurs tâches en tant qu'employé flexible : coordination de projets, rédaction de propositions, création de relations appropriées entre SSF et les anciens de la communauté, rédaction et traduction de lettres officielles conformément à la littérature officielle des entités gouvernementales d'Afghanistan, résolution de conflits entre les personnes lorsque nous voulions mettre en œuvre un projet, organisation de rendez-vous pour les chefs de projet et la cheffe de mission de SSF avec les représentants du gouvernement, consulter les chefs de projet et leur fournir des conseils appropriés concernant les sensibilités culturelles et l'éthique de la communauté, faire de la traduction simultanée lors d'événements et de réunions officielles, aider les éducateurs à rédiger un livre sur l'éducation physique, rechercher des projets pertinents et nouveaux en fonction des buts et objectifs de la SSF, et ainsi de suite... Mon frère a également travaillé avec le SSF en tant qu'entraîneur de karaté lorsque Laurence Fischer était à Kaboul.

 

Kaboul

 

Quels impacts le projet de "Jardin des femmes" a-t-il eu sur les jeunes filles et les femmes ?

Le projet "Jardin des femmes" a été l'un des plus importants car, en raison de coutumes et de croyances anciennes, un certain nombre de familles afghanes ne permettent pas à leurs filles de faire de l'exercice à l'extérieur. C'est pourquoi, après plusieurs réunions et consultations avec le ministère de la condition féminine, nous avons réussi à lancer ce projet. Ainsi, après l'évaluation initiale, les besoins du "Jardin des femmes" ont été vérifiés. Puis, SSF a fourni tout le matériel sportif nécessaire, une salle et des entraîneurs féminins. Par la suite, un grand nombre de filles ont participé aux programmes sportifs. Les familles et le ministère de la condition féminine ont été très satisfaits des programmes de SSF.

 

Kaboul

 

Depuis le retour des talibans en 2021, quelle est votre situation personnelle ?

Comme je l'ai dit plus haut, depuis que les talibans ont pris le contrôle de l'Afghanistan, je suis au chômage. L'entrée des talibans à Kaboul a terrifié tout le monde. Par conséquent, la majorité des ONG internationales ont quitté l'Afghanistan en raison de l'instabilité de la situation. Très peu d'ONG travaillent à Kaboul et il est très difficile de trouver un emploi. Étant donné que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer des imprimeries, celles-ci me demandent parfois de traduire des documents. Mais cela ne suffit pas à couvrir nos frais de subsistance et j'ai toujours besoin d'une aide financière. Je ne sais pas combien de temps nous devrons endurer cette situation, car nous souffrons vraiment. Malheureusement, il n'y a pas d'oreilles pour entendre notre voix et comprendre notre situation accablante. Ma femme est également au chômage. Auparavant, elle travaillait comme enseignante dans un jardin d'enfants, maintenant elle reste à la maison et elle est très déprimée. De même, les écoles et les universités sont interdites aux filles, c'est pourquoi la plupart d'entre elles sont touchées par la dépression et certaines se suicident. Les conditions de vie des filles sont vraiment déplorables.

 

Quelles sont les mesures que vous avez prises pour quitter le pays ?

Le 20 août 2021, j'ai été orienté vers l'USRAP (programme P2) par OSC (Overseas Strategic Consulting), une ONG américaine présente en Afghanistan. Ils m'ont dit qu'ils avaient soumis un dossier comprenant tous mes documents au Département d'État américain. Malheureusement, je n'ai reçu aucune réponse de leur part jusqu'à présent. De plus, j'ai contacté l'ambassade de France au Pakistan, à Islamabad, le 27 avril 2022 et j'ai reçu un courriel de l'ambassade de France comprenant un questionnaire et un formulaire d'attestation. Le 5 août 2024, l'ambassade m'a demandé de remplir le questionnaire et de le renvoyer à l'ambassade. Ensuite, j'ai rempli le questionnaire et mon ami Olivier Barret a rempli le formulaire d'attestation et a confirmé qu'il nous hébergerait dans sa maison pour une durée illimitée. Ensuite, j'ai envoyé le questionnaire et le formulaire d'attestation à l'ambassade de France à Islamabad le 28 août 2024. Mais je n'ai reçu aucune réponse de l'ambassade à ce jour.

 

Que souhaitez-vous à votre pays et à la jeunesse afghane ?

J'espère qu'à l'avenir, nous aurons un pays en paix afin que tous les Afghans puissent vivre dans la paix et la prospérité dans leur patrie et qu'il n'y ait plus de réfugiés afghans dans aucun pays du monde. Même si je sais que c'est un rêve inaccessible, compte tenu des performances des hommes politiques au cours des vingt dernières années et des conditions actuelles. Lorsque nous voyons un gouvernement s'effondrer complètement en 24 heures après vingt ans de pouvoir et que les fonctionnaires abandonnent tout et s'enfuient, comment pouvons-nous espérer un bon avenir ? Malgré tous ces malheurs, je souhaite à l'Afghanistan un avenir pacifique, inclusif et prospère.

Plus de 63 % de la population afghane a moins de 25 ans, ce qui signifie que nous sommes le pays le plus jeune du monde, mais personne au sein du gouvernement ne pense à utiliser ce potentiel de manière appropriée. Au cours des trois dernières années, l'Afghanistan a perdu une génération éduquée et active. Par ailleurs, depuis août 2021, la moitié de la population afghane (femmes et filles) subit des restrictions injustes. Les jeunes femmes afghanes n'ont pas le droit de participer à des activités sportives, d'aller à l'école et à l'université, et de nombreuses autres règles irrationnelles s'appliquent en particulier aux femmes et aux filles, ce qui n'est acceptable dans aucune société.

L'Afghanistan dispose de personnes talentueuses qui peuvent aider le pays à atteindre l'autosuffisance dans divers domaines économiques. Je suis fermement convaincu que l'un des facteurs à l'origine de l'effondrement du gouvernement précédent est l'absence de bonne gouvernance.

Je ne suis pas un politicien et je déteste la politique. J'attends avec impatience le jour où tous les peuples du monde s'aimeront, se respecteront et vivront dans une atmosphère de paix et d'amitié. Longue vie à l'humanité, longue vie à l'amour et à l'amitié.