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PORTRAIT - Haoulata Ahamada Bachirou, première femme comorienne olympienne

Wednesday 5 April 2023
#Comores
#PEPS

Haoulata Ahamada Bachirou, première athlète comorienne à participer à des Jeux Olympiques, fait partie du groupe de travail du Projet d'appui à l'Education Physique et Sportive (PEPS) lancé en septembre dernier. Son expérience de sportive de haut niveau, sa formation académique, son poste au sein du ministère des sports et sa connaissance des spécificités et réalités locales sont autant d'atouts précieux pour la mise en oeuvre de ce projet. A l'occasion de la Semaine Olympique et Paralympique, découvrez le parcours de cette femme hors pair. 

 

Haoulata Ahamada Bachirou
Haoulata Ahamada Bachirou

 

 

Quel est votre parcours académique et professionnelle ?

J’ai fréquenté l'école primaire de Mitsoudje  et le collège de Mbibojou, entre Mitsoudje et Chouani à Hambou. 1996 est mon année fétiche car après avoir obtenu ma qualification pour les Jeux Olympiques à Atlanta, j'ai décroché mon Baccalauréat au Lycée Saïd Mohamed Cheikh de Moroni. Puis, j'ai effectué mes études supérieures en Côte d'Ivoire où j'ai obtenu ma Licence en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives. En 2002, j'ai eu ma Maîtrise à l'Institut National de la Jeunesse et des Sports d'Abidjan. Je suis rentrée au pays avec un diplôme professionnel de CAPES (Certificat d’Aptitude d'Éducation Physique et Sportive). Puis, j’ai été pendant 14 ans enseignante d'éducation physique et sportive.

En 2016, je me suis inscrite à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal, à l'institut national de la jeunesse et des sports en Master des managements des activités physiques et loisirs que j'ai obtenu deux ans après.

Depuis mon retour aux Comores en novembre 2018, on m'a détachée de l'éducation nationale au ministère de la jeunesse et des sports où j'occupe le poste d'inspectrice nationale des sports.

 

Dans le cadre du projet PEPS, quel est votre rôle et quelles sont vos attentes ?

Étant agent du ministère des sports, j’ai travaillé en étroite collaboration avec le ministère de l'éducation pour préparer les termes de références (TDR) de ce projet afin de permettre sa mise en œuvre. J’ai aidé à bien comprendre les réalités du pays et les raisons majeures de l’absence de pratique de l’Education Physique et Sportive (EPS) à l'école primaire. Le ministère de l'éducation s'occupe de l'enseignement et le ministère de la jeunesse et des sports, de la pratique sportive.

Aujourd’hui, je fais partie du groupe de travail technique du projet PEPS au sein du ministère. Nous travaillons conjointement avec les équipes de PLAY International, j’apporte une expertise technique. Ce projet va permettre au sport d’être une discipline à part entière. Nos jeunes pratiqueront du sport dès le bas âge, les cadres sportifs seront formés, cela va redynamiser les métiers autour de l’enseignement de l’EPS. Mes attentes se trouvent avant tout autour de la santé physique et mentale des jeunes, un esprit sain dans un corps sain. Puis, aussi la lutte contre le décrochage scolaire et la délinquance.

 

Quel est votre parcours sportif ?

Amoureuse de la course depuis mon plus jeune âge, j'ai décidé de participer à des compétitions que la fédération comorienne d'athlétisme organisait dans ma ville natale. J'ai couru le 800 m et le 1500 m et j’ai terminé première. À partir de là, feu Chakira Said Mkandzile, paix à son âme, entraîneur national, m'a encadrée et accompagnée jusqu'à ma participation à ma première compétition internationale à La Réunion en 1993.

Suite à ça, j'ai été la première athlète féminine comorienne à avoir participé aux Championnats d'Afrique en 1994 à Brazzaville, aux Jeux de la Francophonie en 1995 en France et aux Jeux Olympiques en 1996 à Atlanta (sur 400m) ainsi qu’aux championnats du monde en Espagne 1999.

 

JO
Jeux olympiques d'Atlanta, 1996

 

À partir de 2003, je suis devenue entraîneuse nationale d'athlétisme et j'ai donc pu participer à différentes compétitions internationales avec de jeunes athlètes jusqu’en 2011. De 2006 à 2016, j’étais directrice du centre Olympafrica de Mitsoudjé qui est un centre socio-sportif et éducatif.

De 2014 à 2016, j'étais conférencière de niveau 1, puis de 2018 à nos jours, conférencière d'athlétisme de niveau 3. Actuellement, je suis formatrice nationale de la fédération comorienne d'athlétisme et pour la World Athletic.

 

Coach

 

À quelles difficultés avez-vous dû faire face durant votre parcours sportif ?

Les difficultés que j'ai rencontrées, c'est le manque de soutien des sportifs locaux. Quelle que soit la discipline, les sportifs comoriens ne sont pas valorisés et cela nous pousse à abandonner dès notre plus jeune âge. On pratique le sport par amour mais c’est dommage car il n’y a pas d'avenir pour les sportifs comoriens. Ce qui fait qu'après le Baccalauréat personne ne s'intéresse au sport. Encore moins pour en faire son métier, pourtant, c'est un métier d’avenir. Puisqu’on ne peut pas évoluer dans le public, on est poussé dans le privé.

Actuellement, il y a peu de cadres sportifs dans l’ensemble du pays. Le sport est devenu la dernière préoccupation du gouvernement. Il y a beaucoup de besoins. Il faudrait un engagement politique plus prononcé et plus de moyens financiers consacrés à la politique sportive. Ce qui nous empêche d’avancer, ce sont nos comportements à penser toujours « moi, je » au lieu de « nous ». Mais une seule main ne peut pas taper fort, c’est l'union qui fait la force. L'espoir fait rêver, oui mais il doit être accompagné d’actions réelles.

 

Quel est votre regard sur la pratique féminine du sport aux Comores ?

De par notre coutume, la femme n'avait même pas le droit à pratiquer du sport. Celles qui le pratiquaient malgré tout, on les considérait comme des vagabondes ou des garçons manqués. Avec la modernisation, les parents commencent à comprendre l'intérêt du sport mais il est toujours difficile pour la femme de se consacrer à la pratique du sport à cause de la pression sociale et religieuse.

Le manque de structuration du mouvement sportif, le manque de cadre juridique et politique des sports font qu'on ne peut pas aller vers l'avant et songer à un avenir sain pour nos enfants et cela touche encore plus nos filles.

 

Avez-vous des conseils à donner aux jeunes filles comoriennes pour qu'elles puissent pratiquer du sport ?

Je suis de ces personnes qui aiment profondément le sport. Je suis convaincue de ses vertus. Le sport est un puissant vecteur qui permet de développer des valeurs et sentiments de fierté, de persévérance, d’acceptation de soi-même et de confiance.

Grâce au sport, j’ai pu développer des mécanismes et bonnes habitudes comme mon envie de me bouger et de me dépasser. La pratique m’a appris à trouver de la motivation à chaque épreuve. Aujourd’hui, j’ai envie que toutes les jeunes filles intègrent les bonnes pratiques qu’inclut la pratique du sport. J’ai envie qu’elles sachent que le sport est une vraie passion et une source de bonheur. Le sport ouvre beaucoup d’opportunités au niveau du développement personnel, il permet de mieux se connaître. Mais pas seulement, par exemple, grâce au sport, je voyage chaque année. J'ai fait le tour du monde grâce au sport, et sans l'aide de mes parents.

Donc je m’adresse aux filles, jeunes filles et aux femmes, adonnez-vous au sport. Cela vous donnera beaucoup d’opportunités et d’ouverture d’esprit.

Vivons en pleine forme et ensemble grâce au sport !

 

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